Relier les savoirs et les raisonnements d’acteurs en dissensus dans une épistémologie collective

Relier les savoirs et les raisonnements d’acteurs en dissensus dans une épistémologie collective permet de développer un modèle ascendant de l’innovation pour une viticulture agroécologique

Proposé comme fait marquant 2017 au département BAP

Résumé

La viticulture est sous une pression grandissante de la société, à cause des impacts de ses pratiques sur l’environnement et la santé. Pourtant, les désaccords entre l’ensemble des acteurs concernés ne contribuent pas à changer la situation. La méthode de recherche-action-participative développée permet de valoriser les dissensus entre acteurs, tout comme leurs savoirs, dans un cadre épistémologique collectif, modélisé. Ainsi, innovation et action sont liées, avec des changements de pratiques viticoles à large échelle.

Contexte et enjeux

La viticulture a un impact économique très important, et les cépages qui sont bien souvent centenaires, tout comme les paysages que les vignes façonnent, s’inscrivent dans le patrimoine de nos sociétés. Cela dit, les pratiques viticoles visant à contrôler le développement des pathogènes de la vigne ou celui des adventices concurrentes emploient des quantités importantes de produits chimiques. Les impacts de cette viticulture sur l’environnement, comme sur la santé sont dénoncés par la société, jusqu’à, aujourd’hui, aller en justice ! Pourtant, la société connait peu les contraintes liées à la culture de la vigne, pas plus que les savoirs des viticulteurs. Ces savoirs sont également méconnus, et trop peu reconnus, par la recherche et le conseil. C’est en fait un modèle unique de viticulture qui est questionné, et avec lui un mode d’innovation prévalant ‘top-down’. Comment valoriser les savoirs d’expérience, et les visions si différentes, de tous les acteurs en jeu qui sont en désaccords ? Comment, à la fois concevoir le changement et le produire sur le terrain dans un temps court ? Comment aller vite pour répondre à une urgence alors que le temps de l’innovation-transfert est autre et que celui de la vigne est encore plus long ?

Résultats

Nous avons rassemblé les acteurs en dissensus dans un projet collectif, depuis labellisé GIEE et conduit sous l’égide de l’INRA. Afin de résoudre les enjeux épistémologiques, nous avons caractérisé, avec et pour les acteurs, quatre formes de savoirs et modes d’apprentissages en jeu, tout comme les modes de raisonnements qui en sont à l’origine. Nous avons développé un modèle en tétraèdre qui permet de les légitimer et les articuler dans une recherche-action-participative. Ce référentiel a permis aux acteurs de construire une épistémologie collective, dans un paradigme nouveau. Dans celui-ci, les dissensus, initialement bloquants, sont devenus des ressources pour l’innovation. Ainsi, le collectif a pu mettre en évidence les obstacles à l’innovation/action, ceux connus de tous, comme ceux qui étaient masqués. Cette recherche-action-participative est caractérisée par 7 étapes, avec pour chacune une spécificité, permettant ainsi de conduire une telle recherche sur le temps long, avec comme productions, une mobilisation collective, des changements de pratiques dans les vignes, et à grande échelle : une viticulture plus respectueuse de l’environnement zéro herbicide et avec des enherbements écologiques d’espèces sauvages et locales.

Perspectives

Sur le plan agronomique, les solutions agroécologiques imaginées pourront être mise en œuvre à plus grande échelle, en visant un viticulture zéro herbicide et plus résiliente face aux contraintes liées aux dérèglements climatiques. La méthode de recherche-action-participative, quant à elle, est en cours de déclinaison, dans un projet tri-national, afin de développer des pratiques agroécologiques en viticulture en Suisse et en Allemagne. Par ailleurs, cette méthode de recherche contribuera à développer, avec les acteurs de la filière, des réponses pour faire face à la flavescence dorée de la vigne, dans le cadre du plan national du dépérissement de la vigne (Co-Act). Dans un registre plus large, le concept d’épistémologie collective pourrait amener à préciser les formes de partenariat qui associent la recherche avec la société pour innover dans

Valorisation

Deux vidéo collectives https://youtu.be/OyexgzUFAwY; https://youtu.be/IaJTnqrCqN4

. Labellisation du projet en GIEE (2016) par le Ministère de l’Agriculture,

. Labellisation ‘repère’ par le Ministère de l’écologie et du développement durable (2017), soulignant    l’implication de la société civile dans la conception et conduite de projet de recherche participatifs.

. Mise en œuvre de cette forme de recherche-action-participative dans un projet européen Allemagne-Suisse-France INTER-REG AGROFORM

. Implication dans le projet Co-Act du PNDV

. Participation au groupe de travail ‘sciences participatives’ du BAP

Date de modification : 07 juin 2023 | Date de création : 13 décembre 2018 | Rédaction : Inra Grand Est-Colmar